Source: L’Echo 06/12/2022
L’investissement durable n’est ni une tendance ni un effet de mode, mais une évolution irréversible et indispensable. La société de gestion de patrimoine MeDirect a organisé un webinaire sur ce thème le 22 novembre, modéré par Apolline Deglasse, experte en investissement chez MeDirect.
“De plus en plus de flux de capitaux sont placés selon les critères de durabilité, et on ne peut que s’en réjouir”, constate Étienne de Callataÿ, cofondateur et Chief Economist d’Orcadia Asset Management. “Ces critères ne se limitent pas à la dimension climatique: ils incluent le souci de préservation de l’environnement au sens large, ainsi que les aspects sociaux et de gouvernance. Investir selon ces critères constitue un acte citoyen.”
Pour répondre à la demande croissante des investisseurs, une offre très complète s’est développée, et chacun peut décider de la façon dont il préfère procéder. “On peut ainsi confi er à son gestionnaire un mandat pour qu’il place vos fonds autour de thèmes qui vous tiennent à cœur: la transition énergétique, les circuits courts, etc.”, reprend l’expert. “Il est également possible de procéder par exclusion – en éliminant par exemple le charbon et le gaz de schiste – et d’adopter une approche ‘best-in-class’, qui consiste à trouver les sociétés les mieux notées en matière d’ESG (environnement, social, gouvernance) dans tous les secteurs.
Ces approches peuvent aussi être combinées; il existe toutes sortes de fonds globaux, thématiques, etc., autorisant une diversification très satisfaisante.” L’année dernière a été une année record pour les fonds ESG, avec des flux atteignant quelque 650 milliards de dollars dans le monde. Les fonds durables représentent déjà 10% du marché des fonds et devraient totaliser 50.000 milliards de dollars dès 2025.
Bons rendements, stabilité en prime
L’année 2022, agitée, n’a pas apporté de bons rendements à l’investisseur durable. “C’est l’exception qui confirme la règle: les rendements en ISR sont généralement au moins aussi élevés que dans l’univers ‘classique’”, rassure Étienne de Callataÿ. “Ils tendent à être meilleurs, avec un bonus: une volatilité moindre, car quand une entreprise se préoccupe de durabilité, elle diminue un certain nombre de risques de son activité.” Selon Didier Devreese, Head of Sales & Marketing pour la Belgique chez NN Investment Partners, “les entreprises qui intègrent les risques non fi nanciers dans leur gestion sont susceptibles d’être mieux positionnées pour faire face à certains défi s et pour améliorer leur performance sur le long terme.”
Deux facteurs ont principalement contribué aux performances médiocres des fonds ISR en 2022, analyse Sven Verstraete, Director Institutional & Wholesale Business Development chez Robeco: “D’abord, elles sont davantage exposées aux entreprises en croissance, qui ont souffert de la remontée des taux d’intérêt. Ensuite, l’explosion des prix du gaz et du pétrole a procuré de gros bénéfices aux entreprises énergétiques traditionnelles, qui sont souvent exclues des fonds ISR. Parallèlement, la hausse des prix des matières premières a comprimé les marges dans les énergies renouvelables. L’investisseur doit garder le long terme à l’esprit, et là, on voit que la montée en puissance des énergies renouvelables n’est pas prête de s’arrêter.”
Quel impact?
De nombreux fonds se décrivent comme durables. Pourtant, il n’est pas toujours facile pour les investisseurs de déterminer exactement le degré de durabilité d’un fonds. Beaucoup de standards et de définitions coexistent. “Le cadre communautaire permet d’y voir plus clair”, salue Sven Verstraete. “La directive Sustainable Finance Disclosure Regulation défi nit des catégories selon les exigences de durabilité et améliore la transparence du marché. Dans le prospectus d’un fonds d’investissement, les investisseurs peuvent découvrir de quelle catégorie le fonds relève, celle de l’article 9 étant la plus exigeante.”
La réglementation continuera d’évoluer et les critères seront de plus en plus stricts. “Pour autant, chaque maison de gestion va vérifier, au sein de chaque fonds, si les exigences des actions et le cas échéant des obligations – car il existe des obligations ISR – correspondent à ses attentes”, complète Roger De Passe, Head of Distribution Belgium chez Nordea Asset Management. “Pour les gestionnaires de portefeuille, il ne suffit pas d’acquérir une base de données pour détecter les performances ESG qui se démarquent: effectuer des analyses complémentaires ou dialoguer directement avec les équipes dirigeantes peut aider à identifier la valeur”, explique Didier Devreese.
Sven Verstraete renchérit: “Nous nous allions avec d’autres managers pour pousser les sociétés à prendre des décisions vertueuses, en AG et par des dialogues constructifs. Un manager prête attention à tous les paramètres, y compris les critères non fi nanciers. Ainsi, une entreprise pharmaceutique qui n’investit pas en R&D compromet son avenir.” Un nombre croissant de sociétés de gestion communiquent de façon très complète sur leur activité auprès des entreprises dont elles sont actionnaires, leurs votes en AG, etc., ajoute Roger De Passe. “Cette transparence bénéficie à tous”, estime-t-il. Et le mouvement vertueux lancé en Europe devrait s’étendre au reste du monde, car les entreprises cherchant à attirer des capitaux européens s’aligneront sur ce cadre.
De plus en plus d’investisseurs sont en quête d’entreprises qui vont au-delà de l’ESG et ont un impact mesurable sur le monde. “Près des deux tiers des objectifs de développement durable des Nations unies relèvent du champ social, et les investisseurs s’engagent en faveur d’une société plus inclusive, dont la crise sanitaire a encore souligné la nécessité”, relève Roger De Passe.