Source: Gilles Coens
En mars, c’est la crainte d’une nouvelle crise bancaire qui dominait. En effet, Silicon Valley, la banque régionale américaine, s’était retrouvé en difficulté, tandis qu’en Europe, le Crédit Suisse a dû être sauvé.
Heureusement, nous avons pu observer les premiers signes d’un regain de confiance en avril. L’indice de volatilité ou VIX a notamment atteint son niveau le plus bas depuis un an. De son côté, le ratio put/call est repassé en dessous de 1. Cela indique que l’on négocie plus d’options call que d’options put, ce qui signifie que les investisseurs anticipent une hausse des cours.
Retour des actions de croissance dans les bonnes grâces
Les périodes de hausse de l’inflation et des taux sont principalement défavorables aux entreprises de croissance. Elles dépendent plus des crédits et sont donc davantage impactées par la hausse des taux et des frais.
De leur côté, les actions de valeur sont en général mieux prémunies contre ces effets. Elles en ressentent même parfois une influence positive. Il suffit de penser aux entreprises pétrolières qui ont retiré des profits des prix de l’énergie élevés ou aux banques qui réalisent de meilleures marges grâce à la hausse des taux. C’est pourquoi les actions de valeur se sont mieux comportées que les actions de croissance en 2022.
En mars, la Réserve fédérale américaine (Fed) annonçait la fin des relèvements de taux, ce qui a eu un effet positif immédiat sur les actions de croissance. Avec 25 points de base (bps), le dernier relèvement de taux était d’ailleurs plus faible que les précédents, à savoir 50 et 75 bps.
De nombreux investisseurs vont même plus loin et croient à l’annonce cette année encore de baisses de taux. Dans ce contexte, un nombre croissant d’investisseurs se tournent vers les actions de croissance.
2023 constituera-t-elle un « pivot » ?
Un « pivot » est un basculement, un moment dans le temps où la banque centrale modifie son approche, passant d’une politique de lutte contre l’inflation à une politique de soutien de la croissance, autrement dit d’une hausse des taux vers une baisse des taux. Un pivot de la Fed et de la BCE s’annonce-t-il ? De nombreux investisseurs se posent cette question aujourd’hui.
Pour de nombreux analystes, des baisses de taux ou un « pivot » semblent encore hautement improbables en 2023. En effet, l’inflation se maintient au-dessus de l’objectif des 2 % (5 % aux États-Unis et 6,9 % dans la zone euro). Le marché du travail continue aussi à bien se comporter, malgré un léger affaiblissement aux États-Unis. Il y a donc peu de raisons d’espérer une baisse de taux, que ce soit en Europe ou aux États-Unis.
Il est vrai que les banques centrales ont probablement affirmé trop vite, par le passé, que l’inflation élevée n’était que temporaire. Elles vont donc éviter de commettre la même erreur et prendront leur temps avant d’annoncer la fin de l’inflation.
Et pourtant, il est possible que les attentes des investisseurs soient trop élevées aujourd’hui et qu’ils anticipent un peu trop rapidement d’éventuelles baisses de taux. Ce qui peut avoir un impact négatif sur les actions de croissance après la forte performance de derniers mois. Jusqu’à l’été, nous devons tenir compte d’une poursuite de la hausse des taux.
Les actions de croissance ont toujours leur place dans un portefeuille, a fortiori pour les investisseurs avec une vision à long terme. Mais si les banques centrales devaient décider de s’attaquer vivement à l’inflation, cela pourrait réellement avoir un effet négatif sur les actions de croissance.
Un PMI positif comme indicateur de croissance
Les nouvelles sont positives concernant l’indice PMI ou Purchasing Managers Index. Comme le mois dernier, il poursuit son évolution positive, que ce soit aux États-Unis ou en Europe.
Alors que les problèmes touchant la chaîne d’approvisionnement semblent se résoudre, les directeurs des achats de grandes entreprises affichent un regain de confiance, ce qui indique souvent une croissance future.
En Europe, nous avons principalement assisté à une hausse du PMI dans l’économie des services, tandis qu’il enregistrait un recul dans l’industrie manufacturière. Les protestations et grèves liées à la réforme des retraites en France n’y sont probablement pas étrangères.
Et mes investissements dans tout ça ?
Le risque de récession n’est pas encore totalement écarté, même si la plupart des analystes s’accordent pour dire que si récession il y a, elle sera plutôt faible. Bien que limitée, la détérioration du marché du travail aux États-Unis pourrait être un premier pas dans cette direction. En outre, une partie du marché semble anticiper indirectement une éventuelle baisse de taux, ce qui constitue un possible signe annonciateur d’une récession.
Il convient donc, aujourd’hui encore, de tenir compte de certains risques. Gardons un œil attentif sur les résultats des entreprises. L’augmentation de la charge que représentent les salaires et les intérêts pourrait continuer à avoir un impact, à plus forte raison pour les entreprises et les secteurs qui n’ont qu’un faible pouvoir de fixation des prix.
De nombreux éléments positifs doivent toutefois être relevés. La crise bancaire semble être sous contrôle, les chiffres de l’inflation poursuivent leur mouvement à la baisse et les banques centrales pratiquent des assouplissements. Les directeurs des achats sont optimistes et le sentiment des investisseurs est lui aussi positif.
Diversification et investissements réguliers
La diversification reste le maître-mot. Alors que la période de taux négatifs est révolue, les obligations recommencent à offrir des possibilités intéressantes dans l’optique d’une indispensable diversification.
Les spreads des obligations d’entreprises se resserrent toutefois. Cela signifie que la différence de taux avec les obligations d’État se réduit. Si leur potentiel s’en trouve diminué, les obligations d’État présentent toujours de belles perspectives.
Que ce soit le « market timing » ou le fait d’attendre le moment idéal, ne se révèle en général d’être efficace ou réaliste. Il est préférable d’investir de façon régulière dans le temps, surtout si vous n’êtes pas certain que c’est le bon moment pour entrer sur le marché (ou en sortir). En cas de correction du marché, cette ventilation systématique présente bien souvent un avantage.
Lutter contre l’inflation avec des liquidités ? Non, ce n’est toujours pas possible. Mais en avril aussi, un portefeuille diversifié présentera de belles opportunités, surtout pour les investisseurs à long terme qui feront preuve de patience.