L’année 2023 a peut-être été meilleure qu’initialement prévu. En effet, elle a connu un départ prometteur, les premières semaines de l’année étant marquées par un véritable rallye boursier, tandis que le reste de l’année a connu d’importantes fluctuations. Les premières augmentations de taux d’intérêt, destinées à lutter contre l’inflation élevée, ont eu lieu en 2022, mais c’est en 2023 qu’elles ont fait leurs premières victimes.
Dans ce contexte, certaines banques régionales américaines ont dû être sauvées. Le cas qui fut le plus discuté est celui de la Silicon Valley Bank, qui a connu des difficultés financières en raison de la hausse des taux. En Europe également, Credit Suisse a dû être sauvé par son voisin de la Paradeplatz à Zurich, l’UBS.
2023 a été l’année où l’on s’est posé plusieurs questions : jusqu’où les banques centrales iront-elles pour maîtriser l’inflation ? Quand est-ce que les hausses de taux s’arrêteront ? Une récession pourra-t-elle être évitée ? Les discours des banques centrales laissant entendre davantage d’augmentations ont eu un impact direct sur les marchés financiers.
La Bourse a connu quelques gagnants, dont les actions technologiques. En temps normal, celles-ci ne se portent pas bien dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, mais elles ont brillé sous l’impulsion de l’intelligence artificielle. De nouvelles technologies très attendues ont permis aux plus grandes actions technologiques (Apple, NVIDIA, Microsoft…) de porter désormais le nom de « Magnificent 7 ».
Les mois d’automne ont été sombres, les marchés chutant librement, sous craintes d’inflation et plus de hausses de taux. Le taux des treasuries (obligations souveraines) sur 10 ans dépassant le seuil psychologique de 5 % a déclenché une petite vague de vente sur les marchés. Les rendements annuels ont été presque effacés, mais les chiffres d’inflation plus bas et donc meilleurs que prévu ont permis de rebondir rapidement à la fin du mois de novembre et au début du mois de décembre.
Les pertes ont été récupérées, ce qui montre que la panique reste mauvaise conseillère et que l’investisseur à long terme n’a généralement pas à se plaindre. Cet article est écrit à la mi-décembre, l’Euro Stoxx 50 affiche une hausse d’environ +17 % depuis le début de l’année, le S&P 500 américain étant déjà au-dessus de 20 % et se dirigeant vers un « Santa rally » dans l’espoir que la Fed applique des baisses de taux en 2024.
Aujourd’hui, les marchés s’attendent à ce que les banques centrales baissent les taux en 2024, en raison de la baisse des chiffres d’inflation. Ils prévoient également un affaiblissement de l’économie en Europe en raison du contexte de taux plus élevés. Que nous réserve 2024 ? Nous avons posé la question à 3 maisons de fonds renommées : Goldman Sachs Asset Management, BlackRock et Amundi. Elles vous livrent leurs attentes, points d’attention et convictions pour 2024.
Êtes-vous favorable à l’investissement dans les obligations ?
Amundi : Les obligations sont roi dans un contexte où les taux atteignent leur pic. Les niveaux d’endettement élevés et la normalisation des bilans des Banques centrales signifient que les marchés devront absorber une offre plus importante d’obligations. Les rendements, à leur plus haut niveau depuis plusieurs années, pourraient attirer les investisseurs à long terme désireux de recharger le moteur de revenu de leurs portefeuilles. Il sera essentiel d’ajouter de la duration début 2024 et de privilégier le crédit de haute qualité.
Le haut rendement américain pourrait être mis sous pression par les coûts de refinancement élevés au premier semestre et pourrait se redresser lorsque les conditions financières s’assoupliront au second semestre. Les titres « high yield », ou obligations à haut rendement plus risquées, à maturités courtes en euros seront déjà attractifs au premier semestre. La gestion de devises sera essentielle l’année prochaine, compte tenu de l’affaiblissement attendu du dollar américain.
La dette émergente à revenu fixe en devises fortes est à privilégier en début d’année tandis que la dette en devises locales devrait être privilégiée à l’approche du pivot de la Fed.
Quels sont les principaux risques auxquels les investisseurs doivent être attentifs en 2024 ?
Amundi : Les risques d’inflation resteront orientés à la hausse dans une période de transition énergétique désordonnée et de réorganisation mondiale (conflits locaux, mesures protectionnistes accrues, événements climatiques inattendus).
Chez Amundi, nous identifions les 3 risques suivants dans le cadre des perspectives macroéconomiques de 2024 :
- La flambée des prix du pétrole
- Les hausses de taux qui commencent à se faire sentir
- Les liquidités sur les marchés privés
Le réalignement géopolitique se poursuivra également en 2024. Nous prévoyons que 2024 sera une année de transition, de tensions croissantes et de protectionnisme.
À l’horizon 2024, quelle est votre principale conviction ?
Amundi : Nous prévoyons un affaiblissement progressif de la croissance mondiale, tandis que l’inflation devrait s’atténuer mais rester supérieure aux objectifs des Banques centrales (BC). C’est ce que nous appelons des perspectives contrastées, marquées par des trajectoires économiques divergentes. Les États-Unis devraient connaître une récession au premier semestre à mesure que les conditions financières strictes affecteront les consommateurs et les entreprises. Au second semestre, la croissance devrait se stabiliser en-deçà de son potentiel et l’inflation se rapprocher de son objectif. La zone euro devrait afficher une croissance faible et des dynamiques inégales entre pays, la politique budgétaire devenant progressivement plus restrictive, en plus d’une politique monétaire déjà stricte. En Chine, nous observons un changement structurel vers une croissance plus faible (juste au-dessus de 3 % d’ici 2025) et, malgré quelques mesures de relance budgétaire supplémentaires, nous ne nous attendons pas à ce que la situation globale change. Dans ce contexte fragmenté, l’Inde émerge comme une nouvelle puissance.
L’inflation se refroidit, mais les banques centrales doivent rester vigilantes.
L’inflation américaine influencera la réponse de la Réserve fédérale (Fed) et, par conséquent, déterminera si nous assisterons à une récession douce ou dure. Nos perspectives supposent que les prix de l’énergie resteront maîtrisés et que les récents risques géopolitiques se limiteront à des régions spécifiques. Une flambée des prix de l’énergie aurait un impact significatif sur l’inflation globale, bien que moins prononcé que lors de périodes précédentes en raison d’une dépendance moindre au pétrole. Le risque serait important si la hausse de l’inflation globale se propageait aux services et à l’inflation de base. La politique monétaire est actuellement suffisamment restrictive et devrait le rester avec la normalisation du bilan, ce qui devrait éviter une spirale prix-salaires. Dans la zone euro, la faiblesse des conditions intérieures devrait contribuer à réduire les pressions inflationnistes liées à la demande et la dynamique de l’inflation de base devrait progressivement s’atténuer.
Classes d’actifs : perspectives pour le 1er semestre 2024
Très négatif | Négatif | Neutre | Positif | Très positif | |
Actions | |||||
Actions européennes | X | ||||
Actions américaines | X | ||||
Marchés émergents | X | ||||
Obligations | |||||
Souveraines EUR | X | ||||
Obligations d’entreprise EUR | X | ||||
Obligations à haut rendement EUR | X |
Selon vous, quels seront les moteurs du marché en 2024 ?
BlackRock : Nous prévoyons des changements dans la construction des portefeuilles et dans les préférences d’investissement, ce qui façonnera les marchés en 2024.
Piloter les résultats des portefeuilles : nous pensons que les investisseurs doivent adopter une approche plus dynamique concernant les portefeuilles et faire preuve de discernement quant aux expositions macroéconomiques. La dispersion des performances et la volatilité permettent aux compétences en matière d’investissement de briller. Pour cela, il faut être dynamique dans les allocations tout en étant sélectif à travers des stratégies indicielles et alpha, et faire fructifier votre argent.
Gérer les risques macroéconomiques : la croissance des principales économies a été plus lente qu’avant la pandémie et les taux d’intérêt beaucoup plus élevés. Nous pensons que les marchés s’adapteront probablement à cette nouvelle réalité et nous cherchons les erreurs de valorisation pendant ce processus. Nous cherchons également à dimensionner les liquidités en fonction de ce contexte, les niveaux actuels étant à notre avis beaucoup trop élevés.
Exploiter les méga-forces : ces changements structurels se répartissent en trois catégories : la révolution de l’IA, les investissements dans la résilience climatique et l’approfondissement de la fragmentation. Les marchés prennent généralement plus de temps à évaluer ces grandes forces structurelles, ce qui crée de nombreuses opportunités d’investissement. Nous pensons que ces forces stimulent les rendements d’aujourd’hui et du futur, et qu’elles constituent à elles seules d’importants éléments de construction des portefeuilles.
Quels sont les principaux risques auxquels les investisseurs doivent être attentifs en 2024 ?
BlackRock : Le nouveau contexte de plus de volatilité sur le plan macroéconomique et sur les marchés a entraîné une plus grande incertitude et dispersion des performances. Autrement dit, la différence de performances des actions, même sur le même marché, est plus importante que dans le passé. Il s’agit d’un changement fondamental par rapport à la confiance accordée aux allocations d’actifs ponctuelles qui fonctionnaient si bien pendant la grande modération, la longue période de croissance et d’inflation stable. Les banques centrales sont confrontées à des dilemmes plus complexes dans la lutte contre l’inflation.
On est tenté d’interpréter le nouveau contexte en adoptant une vision classique du cycle économique actuel. Les marchés oscillent entre l’espoir d’un atterrissage en douceur et les craintes de récession en conséquence. Cependant, cela passe à côté d’un fait essentiel : l’économie s’est normalisée après la pandémie et a été influencée par des moteurs structurels tels que la diminution des effectifs, la fragmentation géopolitique et la transition vers une économie à faible émission de carbone.
À l’horizon 2024, quelles sont vos principales convictions ?
BlackRock : Nos convictions les plus fortes se portent sur l’horizon tactique (6-12 mois) et stratégique (à long terme).
- Actions des marchés développés : notre vision macro nous maintient sous-pondérés, mais nous constatons que le thème de l’IA et le potentiel alpha nous rapprochent d’une vision neutre.
- Revenus dans les obligations : le coussin de revenus fourni par les obligations s’est accru dans un contexte de taux plus élevés. Nous apprécions les obligations à court terme et sommes actuellement neutres sur les obligations du Trésor américain à longue maturité en raison des risques à double sens à venir.
- Granularité géographique : nous préférons une approche granulaire par géographie, privilégiant notamment les actions japonaises dans les marchés développés. Dans les marchés émergents, nous apprécions l’Inde et le Mexique en tant que bénéficiaires de mégaforces, même si les valorisations relatives semblent élevées.
- Crédit privé : nous pensons que le crédit privé gagnera des parts de prêt à mesure que les banques se retirent, avec des rendements attractifs par rapport au risque de crédit.
- Obligations indexées sur l’inflation : nous prévoyons que l’inflation restera proche des 3 % dans le nouveau contexte plutôt que des objectifs de politique, ce qui en fait l’une de nos convictions les plus fortes à l’horizon stratégique.
- Obligations à court et moyen terme : dans l’ensemble, nous favorisons les obligations à court terme (maturité) par rapport aux obligations à long terme. Cela est dû à une inflation plus incertaine, à une volatilité accrue sur les marchés obligataires et à une demande d’investisseurs plus faible.
Classes d’actifs : perspectives pour le 1er semestre 2024
Très négatif | Négatif | Neutre | Positif | Très positif | |
Actions | |||||
Actions européennes | X | ||||
Actions américaines | X | ||||
Marchés émergents | X | ||||
Obligations | |||||
Souveraines EUR | x | ||||
Obligations d’entreprise EUR | x | ||||
Obligations à haut rendement EUR | x |
Vous avez prévu une croissance économique plus forte que les prévisions moyennes du marché. Êtes-vous plus optimiste pour l’avenir ?
Goldman Sachs : Nous abordons l’année 2024 plus optimistes quant à l’état des économies mondiales que nous ne l’étions à l’aube de l’année 2023. Les derniers signaux en provenance de l’économie américaine sont compatibles avec un atterrissage en douceur. Le marché du travail se rééquilibre et la désinflation progresse. Cela dit, nous sommes conscients de l’impact croissant de taux plus élevés sur l’économie au fil du temps, ainsi que du risque d’un choc exogène découlant, par exemple, de l’instabilité géopolitique.
Dans la zone euro, un revenu disponible réel plus positif pourrait soutenir l’activité, mais les perspectives économiques globales restent fragiles. Bien que la Fed et la BCE semblent s’être éloignées d’un atterrissage brutal de l’économie au cours du cycle de resserrement, des chocs exogènes ou un passage prématuré à une politique d’assouplissement pourraient raviver l’inflation d’une manière telle qu’une récession serait nécessaire pour la faire baisser. Inversement, un nouveau resserrement monétaire pourrait déclencher une récession juste au moment où les effets du resserrement précédent commencent à se faire sentir.
Ailleurs, les trajectoires économiques des différentes régions divergent, les perspectives de croissance et les schémas d’inflation évoluant dans des directions et à des rythmes différents. L’économie japonaise a surpris à la hausse, en raison des salaires et de l’inflation. Les perspectives de croissance à court terme de la Chine semblent orientées à la baisse, entravées par l’endettement du marché immobilier et les vents contraires démographiques. Dans un cycle mondial désynchronisé, avec des taux plus élevés pour longtemps et une croissance plus lente dans la plupart des économies avancées, la voie à suivre reste incertaine.
Quels sont les principaux risques auxquels les investisseurs doivent être attentifs en 2024 ?
Goldman Sachs : 1) Changement d’orientation de la politique monétaire : Les principales banques centrales arrivent probablement à la fin du cycle de hausse et sont en « mode dépendant des données ». Les marchés tentent de déterminer la politique à suivre pour 2024. Il s’agit d’une source potentielle de volatilité.
2) Risque géopolitique : L’escalade des tensions géopolitiques pourrait faire grimper les prix des matières premières, ce qui entraînerait une hausse de l’inflation mondiale et un ralentissement de la croissance.
3) L’économie chinoise : La Chine est confrontée à un ensemble de défis structurels et cycliques. Les risques les plus importants proviennent actuellement du marché de l’immobilier.
4) Chocs inflationnistes : De nouvelles pressions inflationnistes pourraient apparaître en raison des prix du pétrole, de l’augmentation des salaires et de la réinitialisation des assurances. Cela pourrait retarder le processus de désinflation.
À l’horizon 2024, quelles sont vos principales convictions ?
Goldman Sachs : Nous pensons que l’inflation va continuer à ralentir, que la croissance régionale ne convergera que lentement et que les banques centrales maintiendront leur politique jusqu’au deuxième/troisième trimestre de l’année prochaine. Dans ce contexte macroéconomique, nous sommes positifs sur les obligations d’État (souveraines) tout en gardant une position neutre sur les actions et le crédit (obligations d’entreprise). Plus important encore, le ralentissement de l’inflation et la fin du resserrement monétaire conduiront à la résurgence d’un portefeuille équilibré. 2024 est l’année où le portefeuille traditionnel 60/40 (portefeuille équilibré) sera à nouveau performant. En outre, nous nous attendons à ce que les discussions macroéconomiques s’orientent vers des risques plus spécifiques, en mettant davantage l’accent sur la sélection des titres. En ce qui concerne les actions, nous avons une préférence pour les actions japonaises en raison de la dynamique positive des bénéfices, d’un contexte macro-économique résilient et de réformes structurelles de la gouvernance d’entreprise. À l’avenir, les moteurs de la performance des actions seront probablement une combinaison d’entreprises de haute qualité, de versements de dividendes élevés et de diversification régionale. Enfin, la réévaluation des taux au cours des dernières années a nui aux rendements totaux des titres à revenu fixe, mais un contexte d’investissement normalisé appelle aujourd’hui à un meilleur équilibre des portefeuilles. Nous pensons que les obligations de base sont bien positionnées pour assurer cet équilibre.
Classes d’actifs : perspectives pour le 1er semestre 2024
Très négatif | Négatif | Neutre | Positif | Très positif | |
Actions | X | ||||
Actions européennes | X | ||||
Actions américaines | X | ||||
Actions japonaises | x | ||||
Marchés émergents | X | ||||
Obligations | X | ||||
Souveraines EUR | X | ||||
Obligations d’entreprise EUR | X | ||||
Obligations à haut rendement EUR | X |
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