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Le coût de la qualité

Source : Flossbach von Storch.

Sélectionner les bonnes actions est une discipline à part entière, qui comporte un certain nombre d’embûches. Certaines valorisations « bradées » sont encore excessives. À l’inverse, les titres les plus flamboyants ne constituent pas forcément un bon investissement.

Estimer de la manière la plus réaliste possible les opportunités et les risques d’un investissement nécessite une évaluation juste de la qualité de l’entreprise. Cette qualité a deux dimensions : les fondamentaux et les perspectives de croissance. Les deux vont servir à déterminer si l’action entre en ligne de compte pour un investissement. Le cas échéant, elles permettront aussi de fixer le prix adéquat.

Les fondamentaux d’une entreprise sont sa base, ou plus précisément sa robustesse (soit sa capacité à résister aux crises) et sa résilience (ou faculté d’adaptation). Ces deux facteurs sont les principaux déterminants de la stabilité des revenus. Quel sera l’effet des cycles conjoncturels, de l’évolution des matières premières, des tendances ou de la réglementation sur les bénéfices ? L’entreprise est-elle fortement dépendante de certains produits, marchés, clients ou fournisseurs ? Comment se protège-t-elle de la concurrence ? Son bilan (taux d’endettement, charge d’intérêts) est-il solide ? L’équipe de direction est-elle expérimentée ? La gouvernance est-elle bonne ?

L’importance de la base

La valeur d’une entreprise se définit en premier lieu par ses revenus futurs. Ces derniers sont, par nature, incertains. Plus une entreprise est robuste et résiliente (en d’autres termes, plus elle sait s’adapter), plus l’estimation de son potentiel de revenus futurs est fiable. Les attentes démesurées nourries à l’égard de certaines stars de la pandémie l’ont montré : sans fondamentaux solides, l’estimation de la croissance des revenus est un véritable pari.

Lorsque les revenus de l’entreprise sont relativement stables et proviennent d’un flux continu, les erreurs d’évaluation sont limitées. Pensons aux grands groupes de consommation, qui affichent une croissance modeste mais fiable, ou encore aux prestataires de services ou éditeurs de logiciels phares, qui se distinguent par une base de clientèle bien établie et une part élevée de chiffre d’affaires récurrent.

À l’inverse, il est plus difficile de déterminer la trajectoire de croissance des entreprises qui sont exposées à un changement technologique important, exploitent une tendance nouvelle ou opèrent sur un marché très concurrentiel. Le secteur technologique, en plein essor, offre ainsi de bonnes surprises, mais aussi des mauvaises, comme l’illustre l’évolution du marché des semi-conducteurs.

Concurrence intensive et nouvelles tendances

Longtemps en difficulté, AMD a même ponctuellement bénéficié d’un coup de pouce du mastodonte Intel, soucieux de ne pas s’attirer les foudres du gendarme de la concurrence. Fin 2014, la capitalisation boursière d’AMD avait plongé à deux milliards de dollars, contre plus de 180 milliards (90 fois plus) pour son tout-puissant concurrent. L’arrivée à sa tête de la Taïwanaise Lisa Su a changé la donne. AMD a développé une nouvelle architecture baptisée Zen et a décidé d’externaliser la production de ses puces. Intel, quant à elle, a maintenu cette fonction en interne, malgré les coûts élevés. La décision était judicieuse : AMD a multiplié par quatre son chiffre d’affaires et relevé son cashflow disponible à 3 milliards de dollars. Sur la même période, le chiffre d’affaires d’Intel stagnait et son cash-flow disponible a fondu, de +10 milliards à -10 milliards de dollars. À 223 milliards de dollars, la capitalisation boursière d’AMD dépasse aujourd’hui celle d’Intel de 25 milliards. AMD entend désormais s’attaquer à Nvidia, la superstar du secteur.

Nvidia est également pilotée par un Taïwanais (son fondateur, Jensen Huang), qui a opté dès le départ pour la sous-traitance de la fabrication, moins gourmande en capitaux. Jusqu’à récemment, Nvidia développait surtout des puces graphiques pour jeux vidéo : une activité rentable, mais limitée, affichant un taux de croissance de l’ordre de 7 à 9 %. En Bourse, l’action végétait ; il a fallu attendre mi-2015 pour que le cours renoue avec son niveau de début 2002.

Le boom des cryptos a soudain fait exploser la demande chez Nvidia. Son chiffre d’affaires a bondi de 5 milliards de dollars en 2015 à 27 milliards en 2021 et son bénéfice s’est envolé de 600 millions à quelque 10 milliards de dollars sur la même période. Mais l’effondrement du cours du bitcoin a plombé la demande de puces Nvidia. Le bénéfice a été divisé par deux, à 4,4 milliards de dollars, tandis que l’action perdait près de deux tiers de sa valeur.

Le facteur chance

Nvidia a toutefois bénéficié d’un deuxième coup de chance. L’apparition de ChatGPT, fin 2022, a suscité un véritable engouement pour l’intelligence artificielle, offrant de nouveaux débouchés bien plus vastes aux puces très puissantes de Nvidia. Rares, ces dernières sont facturées jusqu’à 30 000 dollars. Au terme de son exercice clos fin janvier 2023, le bénéfice de Nvidia s’élevait à pas moins de 30 milliards de dollars. Les analystes tablent sur 50 milliards pour l’exercice en cours. Les prix élevés liés à la pénurie et le fort potentiel de marché ont aussi éveillé l’intérêt d’autres producteurs de semi-conducteurs. AMD a ainsi récemment proposé une alternative tout aussi puissante, mais moins onéreuse. Désireux de ne plus dépendre de quelques fournisseurs, les grands clients tels que Microsoft, Amazon ou Alphabet se sont également mis à développer leurs propres processeurs.

Avec 1 300 milliards de dollars, Nvidia est, de loin, l’entreprise la plus fortement valorisée, et probablement aussi la mieux gérée du secteur des semi-conducteurs. L’histoire nous apprend toutefois que pour réussir, surtout dans les secteurs en plein essor, il faut parfois aussi un peu de chance.

Les perspectives de croissance esquissées pour une entreprise ne peuvent pas être déterminées au centime près : elles se définissent plutôt en catégories. C’est pourquoi les dirigeants se contentent généralement d’indicateurs larges sur la trajectoire de croissance attendue, évoquant une hausse « à deux chiffres » ou « de l’ordre de 5 à 9 % ».

Flossbach von Storch a élaboré six catégories, allant de 0 pour une croissance nulle ou négative à 5 pour une croissance des bénéfices largement supérieure à 10 %.

La note de qualité finale s’appuie à la fois sur les fondamentaux et sur les perspectives de croissance d’une entreprise. La qualité a un prix, mais pas n’importe lequel. « Il vaut mieux acheter une entreprise extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire », écrivait Warren Buffett à son légendaire bras droit Charlie Munger, décédé en novembre dernier. Ce dernier a un jour confié qu’au début de sa carrière, le célèbre investisseur d’Omaha accordait trop d’attention au cours et pas assez à la qualité de l’entreprise. Il concluait en affirmant qu’il vaut mieux payer plus et acheter des entreprises ayant une base de revenus solide et de belles perspectives de croissance à long terme. Toutefois, même les cours des meilleures entreprises se heurtent à un plafond. Quand toutes les bonnes nouvelles sont intégrées dans le cours boursier, l’action a déjà capitalisé sur une partie importante de son potentiel. Elle risque alors de sous-performer pendant longtemps.

Pas à tout prix

L’excellente qualité à juste prix que décrit Warren Buffet est devenue plus rare. Rien d’étonnant, donc, à ce que Berkshire Hathaway, sa société d’investissement, possède une montagne de liquidités dépassant les 150 milliards de dollars. Ces dernières sont actuellement rémunérées à quelque 5 %, un chiffre très alléchant, mais sur le plus long terme, elles devraient être placées dans des investissements qui rapportent davantage. Warren Buffett a identifié au moins une entreprise au rapport qualité/valorisation si intéressant qu’il y investit régulièrement : la sienne, Berkshire Hathaway. Au cours des trois années écoulées, Berkshire Hathaway a racheté pour 51 milliards de dollars d’actions. Malgré la disparition de leurs titres, les actionnaires n’ont rien à regretter : leur participation à cette entreprise extrêmement rentable a tellement augmenté que cela a eu un effet positif sur le cours. Ce dernier a bondi de 58 % depuis début 2021.

Pour pouvoir obtenir davantage de qualité à un prix juste, les valorisations doivent d’abord retomber. Le moyen le plus rapide d’y parvenir serait un effondrement des cours, à l’image de ce qui s’est passé début 2000 ou en 1972, lors du krach des « Nifty Fifty », ces actions de croissance très prisées qui avaient atteint des valorisations excessives. Ce scénario nous paraît très improbable. En revanche, les valorisations des actions de croissance, sensibles à l’évolution des taux, pourraient diminuer graduellement si les anticipations d’une baisse rapide des taux et des rendements obligataires (à l’origine du rebond boursier de la fin 2023) se révèlent exagérées.

Le différentiel de performance que nous décrivions entre les poids lourds de l’indice, aux valorisations phénoménales, et la moyenne de toutes les actions pourrait se réduire. L’évolution du marché reposerait alors sur une base plus large.


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